J’entends le désir ramper dans tes veines et la nuit dans ton sommeil j’écoute tes délires où tu racontes l’histoire de ce bâtisseur de mythe, la parole frugale, d’une main en plume de mésange il a inscrit des sillons sur ton corps pour écouter le récit de ton cœur, ses accès de fièvre, ses espoirs inachevés affalés sur un muret de remblais.
D’un geste ciselé de poèmes il a drapé ton cœur de pages d’un roman racontant les noces d’une ville à la mer, la procession des murmures, la moiteur des échos, le reflux des regards au passage de la bien aimée.
Ton cépage tendre soûlait de syrah les barbes drues qui les ont mariées, des mains égrenaient l’innocence des jours , les voix incoercibles s’échappaient des lèvres fauve pour aller donner la réplique aux clapotis des vagues, remontaient la falaise, séchaient les mots trempés dans l’écume sur les tuiles des terrasses, nourrissaient le frémissement du rituel pour calmer l’exubérance du cortège, les yeux buvaient la lumière lestant les visages de leurs plis , les pages sacrées claquaient dans le vent, mélangeaient calottes et turbans, les mémoires bariolées, tatouées de soie rouge du Sefer, des fanions vert des minarets, de blancheur de l’hostie, les tabernacles devenaient fous.
Un dialecte silencieux emmuraillait les morsures de la veille, tu continuais ton rêve sur l’aile d’une mémoire oubliée, décapant peinture sur peinture, découvrant la poussière des jours, les épreuves encore ardentes sur un plat en émail chatouillées par les vents qui moissonnaient à la lisière de tes pensées, vagissement, gazouilles, un peuple, les voix, épaisseur du silence, fracas, ressac des lames à l’orée des mots.
Tu t’es réveillé, des larmes chaudes coulaient sur les plis de ton visage, la nostalgie t’as serré dans ses bras pendant que tu dormais, c’est une princesse défunte, tu le sais bien mais tu as trop butiné sur le miel des jours passés, tu t’es repu des « Après » des « plus tard » des « demain » et aujourd’hui tu es foudroyé, trop de vérité, démunis face à ces horizons lointains décousues, aux travers desquels des mots étrange passaient, paroles à rebours, pourtant la langue est ton amie, une écharde insupportable, fébrile, titubant tu t’assois sur une marche d’escalier, la tête sur la main courante, la vie court , la réplique des jours, seule est subversive la plume qui invente l’écriture, elle passe, tu es l’homme qui passe.