9 mars 2009
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La lumière blanche est là, elle me rappelle mes dents à vingt ans quand je mordais à plein dents dans la vie. Je la regarde pendant de longs moments, elle n’est pas fugitive, semble échapper aux séquences qui organisent ma quotidienneté, elle m’agasse et m’angoisse. Mon temps passe, elle reste inébranlable, il semble que rien ne se passe pourtant quelque chose de réel, de vrai est là mais demeure inénarrable. J’ai peur, je regarde son jeu qui arrache de la pénombre les meubles qui perdaient de leurs contours, va au trot sur les murs pour faire la répartie des ombres, ses naseaux vaporeux refroidissent la chaleur de ma théière, ma pupille transpire et se contracte car elle sait que la réalité est proche et va exploser dans sa nudité la plus totale brutale en laissant une brèche béante d’où tout mon être passera, sans retour sans concessions. Je suis las, elle est là, assise sur le bord d'un lit à baldaquin, son apparat blanc trahi les cambrures de son corps, les fils en pépite d'or et d'émeraude réverbèrent la lumière, fragmente mon regard, recompose ma mémoire perdue dans cette vaste pièce. J'attends cette promesse infinie qui ne peut venir que de l'artiste dont les gestes curvilignes s'évanouissent puis s'éveillent sur les frises arabesques. Son regard suspens mon corps, allège mon appui sur le sol pour ne pas réveiller les caprices de mon corps fait de sang et de pain, épris d’odeur et de parfum, portant l’estampille du vivant amoureux de l’éphémère. J’espérais la voir nouer ses cheveux pour découvrir le creux de ses aisselles et offrir à mon regard le rehaussement de ses seins mais en vain. Elle est propre, limpide, empreint de noblesse et moi de salacité et d’arrogance. Elle est présente et moi égaré dans ma chair soustrait à l'instant par mes absences éthylique desquelles je n’en reviens que sur la monture des vents pour aller déposer sur les pages nubiles mes états d’âmes nacrés de visages désertés par le sourire, le front vaste et plissé tel de lourds rideaux noir qui m’empêchent à chaque aurore de me réveiller un peu plutôt que dieu. Non, je ne tenterai pas de lui reprendre le sceptre qu'il m'a subtilisé, faisant de lui un Être imputrescible et moi une argile vivante, il me suffit de savoir seulement que sans le doute des hommes il n'aurait été qu'une brebis égarée.
Mais aussi dissident que je puisse paraître une assurance fragile me guettait, je me sentais en effet jeté dans l’existence, j’ai beau être quinquagénaire mais au fond je ne suis qu’un itinérant immobile à la recherche d’un secret encore plus profond que l’existence. Cette quête me sera-t-elle concluante alors que je suis tenu en laisse par le devoir d’être, l’obligation de devenir ? Pourrais-je un jour chasser le vent de l’outre pour y mettre un peu de vie ?
Je me mis à marcher de long en large dans la pièce, les damiers réguliers et polychromés des murs essayaient de contenir mes ruminations mais je n’avais d’yeux que pour cette lumière. Mais que faisait une lumière sans estomac sur mon territoire ? Elle cherchait peut être ma foi alors que je n’ai que des tripes ! J’avais envie de la déloger de mon domaine, de lui dire que j’étais un aveugle qui a des illusions, un être qui ne reprend confiance en lui-même et ne recompose tous les éléments disparates de sa vie que dans les plus profond des gouffres.
Je continuais à soliloquer, la tête penchée par le poids de mes pensées qui ne cessaient de copuler et bourdonner comme des mouches assaillantes, je voulais passer une bonne colère à cette lueur qui semblait manifestement insensible à ce que je pouvais ressentir et ne prétendait à l’évidence qu’à sécher ma glaise et faire de moi un objet de poterie prêt à recevoir l’écriture floral des peintres.
C’est alors qu’une fureur noire m’empoigna encore plus obscure que les flancs des volcans puis j’ai rugi le cigare à la main : « Moi, Michaël, nait entre les remparts de Tanger, fils d’Ismaël l’instituteur, petit fils d’Adam vendeur de bijoux de fantaisie donr le front a été marqué par les tapis des mosquées, mes aïeux ont traversé les plaines arides brulées par le soleil d’Arabie et n’ont étanchés leurs soif que dans les jardins des Hespérides où ils se sont établis, je suis venu au monde dans des mains plus blanches que les écumes des vagues de la méditerranée, et ne me suis acquitté de mon prépuce qu’au plus distingué des barbiers »
Regarde me dit-elle
Tu es blanche, diffuse, chaude et rapide répondis-je
Non ce sont mes qualités premières que tu observes
La nuit bientôt sera là
Erreur encore ce n’est que le mouvement de ta guérite mais moi je suis là
Qui es-tu sinon une substance douée de propriété
Il n’y a je constate finalement que les formes et la matière qui t’intéressent.
Qui es-tu alors, que me veux-tu
Je suis c’est tout. Ecoute je t’apporte un message, je suis le maintenant-avant, le maintenant-après, je suis l’évènement que tu n’as jamais savouré et caressé de ta vie tellement tu es porté par tes attentes, je suis l’instant le présent infini indivisible.
Mais le temps n’est il pas une succession d’instant !
Non un tout n’est pas l’ensemble des parties ! Un n’est pas dix mille chose disait Lao-Tseu. Ecoute il y a un moment je t’entendais dire « il semble que rien ne se passe pourtant quelque chose de réel, de vrai est là mais demeure inénarrable » ce « quelque chose » c’est l'instant.
Mais l'instant est impalpable, c'est du vide, absence, absence d’objet !
Non! le vide donne naissance aux objets. N’as-tu pas besoin du silence pour écouter de la musique, n’as-tu pas besoin d’espace pour créer ton habitacle. Regarde le hall de ta maison il y a un peu d’espace vide combien de chose tu pourras y mettre ? Le vide offre des potentialités infinies. Et maintenant commence par faire le vide dans ta tête et chasser le bruit incessant de tes pensés qui te martyrisent et t’empêchent de vivre l’instant, ici et maintenant.