Chaque samedi ou presque, je vais au cimetière des Moujahidine de Tanger. Cet endroit m’apporte la paix qui m’est nécessaire pour me ressourcer, pour donner un nouvel élan à l’instant qui vient.
Je trouve la paix et le réconfort auprès de nos défunts, les vivants m’ennuient. Ils sont tous attendus, il suffit d’en aimer un seul pour les aimer tous tellement ils se ressemblent. Chacun rabâche comme il peut son manuel de la quotidienneté, j’ai le mien aussi ne vous en faites pas je suis votre ami et je compatis.
Parfois il arrive que nous soyons lessivés par cet état de chose, alors affligés et malheureux, le teint pâle et les lèvres plissées, nous donnons un coup de pied à cette pu…..de moral et nous sommes heureux de la voir se tortiller à travers porche et parapet. Mais n’avons-nous même pas passé la nuit que la voilà déjà qui revient par la fenêtre portant cette fois le nom de « équité » « déontologie »…….
Nous sommes faits.
Je regarde un instant la cape soyeuse de mon cigare, puis je porte mon attention à la cendre, j’aime bien qu’elle soit ferme et compacte c’est le signe d’une bonne évolution du plaisir.
Je me sens apaisé maintenant, je dois partir, mais avant je jette un dernier coup d’œil à cette colline insulaire qui accueille un parc pour les disparues, puis me rappelle ma promesse à Mohammed T. de lui rendre visite chaque fois que je viens dans ces lieux.
Je descends alors de voiture et traverse la porte en forme d’alcôve et me dirige vers la sépulture.
Il ne m’est jamais facile de revoir Mohammed T.
L’endroit est frais, ombragé par les arbres de mémoire, la pierre est chaulée au bleu dense. Je m’assois, le regard perdu sur les montagnes ibériques, au pavillon de mes oreilles chantent les oiseaux champêtres, puis John Petrucci, Lost without you, mes glandes lacrymales lâchent.
Je n’ai pas de lien filiale ni amicale avec Mohammed T. mais c’est un enfant qui est parti à l’âge de onze ans, parti avant même de connaître la puberté. Pour ton voyage les youyous de ta maman ont fusés, lézardés le silence comme la foudre le firmament. J’ai vu la terre se pourlécher de ta chaire fraîche tellement sa pitance est gavée de corps vieux et infâme. Non Mohammed T. tu ne devrais pas être enterré parmi les vaincus, ceux qui soumis, les bras ballants les pieds devant se sont laissés jeter la terre sur leurs effigies. Non Mohammed T. toi tu as brandit l’épée à l’âge de onze ans pour vaincre en vain la vérité celle qui nous sourit. Non tu mérite un hashtagMohammedT pour bâtir à toi seul un autel pour ta postérité.