Dans un pli où la vie s’acharne à exister, une contenance traverse les rues par le cérémonial ancien du salamalec. Drapée dans le lierre, elle arpente les boyaux des chemins fatigués aux murs impies étranglés par l’obscurité, là où vacillent les ombres hantées par la peau au goût de sel. Le cœur larmoyant de sang sur la terre aimée, hier est aujourd’hui un fini commencement de promesses, de mémoires encore lestées de leurs éraflures inapaisées.
J’ai menti à cet être peut-être que c’était moi en fin de compte, alors il est parti sans demander empruntant les escaliers sculptés dans la falaise, à l’ombre d’un parfum de menthe et d’absinthe.
Mon père est dans les champs abruti par le miel chaud du soleil m’a-t-il rappelé, ses veines sont nouées dans les écorces des oliviers, dis lui que les chemins bâtis par mon pays aucun ne m’a conduit chez moi, les demeures édifiées par les hommes aucune ne m’a vraiment abrité, seul peut être les impétueux ressacs des lames et l’embrun de l’océan enroberont pour bientôt et à jamais les indices annonciateurs de ma liberté.
Ma mère est derrière les haies de nopal, elle guette la piété sauvage, là où le ciel se mélange à la mer où les sarcophages se vident et s’emplissent d’espoir. L'attente creuse l’hiver dans son cœur, ses mains sont gercées de pain et de sel. Demain quand la terre aura lâché son dernier soupir un commis de l’état frappera à sa porte un bol de cendre à la main, enduits tes lèvres absoutes de sourires, ton fils est dans l’incessant bruit des mers.
Je suis né de cette liqueur séminale qui remplie les entrailles des êtres assoiffés de langage annulé pour couvrir de cannelle les mythes et les mémoires faites de feuilles de pierres et d'épines, raie dorsale des corps azurés. Suis-je d'une différence insolite m'a-t-il dit, pour que ces regards s'accrochent sur chaque mouvement de ma vie, pour que ces yeux se suspendent à mon caddy, à la mousse de bière quand elle couvre mon duvet. Puis viennent les croisements sur les trottoirs, les reprises insignifiantes de phrases de politesse, des mots oui juste des mots pour à qui mentirait le plus le lendemain. Rien enfin n'est définitif, les corps continuent à déambuler dans la réserve des Homo sapiens assaillant du regard leurs congénères débitant des prévenances hypocrites, remontant la mèche pour attiser leur moelle épinière, trou d'évacuation d'une misérable nature.
Il m'a dit, et c’est peut-être encore moi, qu'il était en quête de la paix pour contempler le cadastre des âmes depuis le récif de sa solitude que la soie des vents n’arrive plus à adoucir. Laissez-moi à l'abri de cette giboulée souffrante d’épidermes lacuneux et désappris qui n'a d'égard que pour les escarres froides des identités aveugles, reprenez vos scripts administrateurs des visages égarés dans le cortège zodiacale d’un ciel assombri, puis abandonner moi sur les margelles asexuées des secondes, car seuls les hommes qui ont fait le choix pour un temps d’abandonner leurs raisons peuvent vous dire la vérité.
Pourquoi écrits tu ces mots en ces jours réversibles à l’insu des temps en travers de l’éternel ? Pourquoi as-tu laissé le monde entré en effraction dans mon esprit, ai-je trop vécu dans cette ville ? Pourtant j’ai l’âge des personnes qui trépassent.
Maintenant je pars. Il ne cesse de partir. Je ne suis pas coupable, je retire les clous de mes paumes, les épines de mon front, je descends de la croix, ma plante touche la terre, trop de sang. أنا عيسى أبن مريم Dans mes veines de sable coule la rage de Vésuve couvrant de lave brûlante les sicaires de l’altérité, de la diversité, je ne m’assiérai plus sur la chaise de l’aveu j’ai suffisamment gerbé cette merde cette pituite jaune, je désapprendrai les règles de l’ego cette ombre fantôme utile pour le renoncement au présent, tout ce que j’ai appris est faux, qui es-tu ? Où vas-tu ? Je prends le chemin du retour vers l’Univers mon seul créateur, met ma foi dans le Vide unificateur des essences invariantes des choses, cesse mon adoration pour le Plein, désempli ma boite osseuse du manège de rosaces en billet vert, en or noir, en guérisseur du trou d’ozone, en sauveur de baleine. Ceci est ma véritable connaissance car infondée, dépeuplée, je quitterai volontiers ce monde où le glouglou de l'évier et la chasse des fosses d'aisance ont plus d'écho que les mots d'amour et de vérité.
Une crise il m'a dit, oui tous les hommes en sont atteints parait-il, c'est le seul moment de leur vie au cours duquel la raison ne leur fausse pas compagnie. Ils entrent dans une sorte de convalescence morale, un genre de rituel qui les initie au passage de la mort à la résurrection. Alors ils s'arrêtent de se débattre comme des fous dans leurs camisoles de force et partent en haut de la colline surplombant la terre d'Antée pour assister, en dépit de leurs souffrances, à la débâcle de leurs idéaux, à tout ce à quoi ils ont cru pendant un demi siècle. Un lâcher prise formidable s'emparent d'eux, plus que ne pourrait supporter un dieu, pour les aider à laisser mourir leurs meilleurs pensées et dont l'issue n'en est pas moins douloureuse car ils finissent par croire à l'évidence à leurs solitudes et à la certitude de l'absence d'une quelconque ordalie, ils sont finalement seuls responsables de leurs actes.
Ce sont alors des hommes libres que tu vois dévaler sur le flanc de la colline, heureux d'avoir accepter que tout ce qui "Est" est pour eux mais pas à eux, heureux d'avoir étendu leurs champ de conscience aux confins de la vie, aux frontières de la mort.