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24 juillet 2022 7 24 /07 /juillet /2022 08:00

 

La trace noir, souvenir d’un conflit?

 

Quand je regarde cette toile de Chebâa il me vient à l’esprit l’image d’un milieu de culture, un phénomène osmotique en gestation, les gestes simultanés du peintre.

La synchronisation des couleurs en traits unicellulaire semble être soumise à un mouvement circulaire inscrit sur la toile sans préméditation du peintre.

L’homme est à l'œuvre mais il ne le sait pas encore, la création est un moment ésotérique où la compréhension cède souvent la place à la sensibilité.

Le peintre a certes médité son acte, pourtant le surgissement de l'œuvre est au-delà de toute explication causale.

 

                     * * * * * * * * 

  

Bien que je sois natif de la ville de Tanger, mon parcours et mes pérégrinations dans la vie ne m'ont pas accordé, hélas, l’occasion de connaître le peintre Mohamed Chebâa. Il faut dire qu’une génération ou presque nous sépare. N’empêche, notre ami peintre était aussi doublé d’un fin pédagogue et dès lors les traces, croyez-moi, il en a laissées aussi bien sur la toile que dans les esprits.

 

Mon propos dans cet écrit, en dehors du fait que le but recherché dans tous mes articles quel qu’en soit le sujet est de m’appliquer le plus fidèlement possible à traduire mes propres sentiments,  n’est pas d’exposer ou de raconter encore une fois avec des mots différents l’histoire de l’art contemporain marocain, loin s’en faut, ni de rappeler la biographie de notre ami. Il existe du reste plusieurs publications heureusement abondantes sur ce thème. Il demeure néanmoins utile parfois de connaître la différence entre les quelques formes d’expression artistique telle que par exemple l’abstraction géométrique et lyrique. 

 

Utile ai-je dis? Quelle chute!!! il n’y a pas de mot plus abject que celui de l’utilité, mon dieu faites à ce qu’on ne soit jamais utile mais simplement bon pour nos semblables! Mais qu’avons-nous à faire de l’utilité!!! Nous sommes d’abord des êtres doués de sensibilité, nos émotions, affections, nos joies, nos serrement de coeur c’est tout ce qui nous appartient, c’est exclusivement de quoi nous avons besoin pour apprécier, laissons alors l’utilité aux objets, ils ont un avantage qu’il vaut mieux ne pas convoiter c’est la servilité, l’usage, la fonctionnalité, la figurabilité, l’accessoire et la futilité, bref l'UTILITÉ, ils envahissent tellement nos espaces que rapidement on les oublies.

 

Il est clair par conséquent que vouloir accéder à la connaissance uniquement par la voie de l'intelligibilité sans faire preuve de sensibilité ne pourrait que nous égarer, c’est la perdition assurée.

 

Maintenant revenons à nos moutons. Eh bien, Mohamed Chebâa m’a remis les pendules à l’heure, même outre tombe il ne s’en est pas gêné, croyez-moi il a de quoi!

 

En effet, j’ai crié par-dessus tous les toits qu’il m’était difficile de comprendre l’art contemporain marocain, en particulier l’art abstrait ou expressionniste pour lesquels je garde un intérêt certain. Par ailleurs, les publications, catalogues et ouvrages traitant le sujet, n’étaient pas en reste à force de manier un style, un vocabulaire abscon et alambiqué lequel, pour tout spectateur ingénu, ne facilitait pas la tâche à qui voudrait se saisir de l'œuvre. Mon esprit demeurait piégé, cerné par cette muraille aveugle dénuée de toute meurtrière ou seulement d’un pan de mur ajourée!!.

 

A l’opposé, et ce qui m’irritait en réalité, c’est que l’art occidental n’était pas fermé! La littérature foisonnante qui existe dans ce domaine, la parole simple et naturelle qui accompagnait les œuvres, rendaient visible ou presque tous les mystères qui aux premiers regards paraissaient insaisissables. Cela, certes, m’offrait les moyens pour vaincre les déroutants sentiers qui s'acheminent vers une meilleure prise de l'œuvre, pourtant je ne me sentais pas encore suffisamment outillé pour comprendre les miens. Quelque chose manquait, allait de travers et je ne savais pas encore ce que c’était!. Finalement, accepter le cadeau des Grecs devenait de plus en plus évident comme le dernier recours pour m'affranchir de cette muraille!

 

Deux sources m’ont permis d’enjamber ces difficultés et d’embrasser une fois pour toute et construire la paix avec mon identité artistique: Entretien avec Mohamed Chebâa au Numéro 7 & 8 de la revue Souffles du 4ème trimestre 1967 consacré aux Arts plastique au Maroc et Entretien avec Mohamed Chebâa en 2007 dans l'extraordinaire livre de Kenza Sefrioui “La revue Souffles - Espoirs de révolution culturelle au Maroc” Edition Sirocco 2013, je citerai pour sa vérité l’entretien de Zakya Daoud avec Farid Belkahia dans la revue Lamalif n°117 Juin-Juillet 1980. Aussi dois-je souligner l’apport important de Mme Rachida NACIRI dans son ouvrage “L’abstraction Lyrique en peinture. Quelles philosophies.” Un essai dédié au peintre Abdelkébir Rabi’ qui m’a permis d’approcher l’art abstrait moyennant la philosophie. Je pense sincèrement qu’en dehors du sensible seul la philosophie peut nous aider à comprendre.

 

L’art arabo-musulman traditionnel s’est toujours manifesté par une pensée purement plastique. Il n’y avait aucune confusion entre pensées plastiques et pensées littéraires. Cet emmêlement des pensées est apparu en Europe à l’époque de la Renaissance. 

 

Par ailleurs, notre art est un art intégré, intégré à l’espace, au monde dans lequel nous faisons notre vie et désirons honorer le présent à la fois comme un réceptacle à nos diverses questions sur les principes premiers de la création, sur notre intérieur mental, spirituel. 

 

Il ne s’agit donc plus d'interpréter  un événement, de raconter un fait, en somme d’approcher l’oeuvre par des commentaires littéraires, mais plutôt de questionner le geste créateur le plus simple, le plus insignifiant au moyen duquel l’être humain s’enquit du sens de sa vie et qui, à force de répétition et de maîtrise, ce qui lui semblait au début absurde et vide de sens, commence alors à paraître fondamental, nécessaire peut-être même élémentaire. 

Les occidentaux sont hantés par la compréhension, dans le sens où le mot voudrait dire “saisir par la pensée” (intelligibilité) alors que les orientaux par une étymologie plus précise “saisir par la main” (Sensibilité). En effet le mot compréhension est constitué du préfixe “com” qui veut dire “avec” et le mot "préhension'' c'est-à-dire action de saisir avec la main.

 

Pour clarifier cette idée, je souhaite, dans l’encadré ci-dessous, effectuer  une toute légère digression historique des idées que plus tard il serait, à mon avis, intéressant de développer:

 

C’est d’abord le fait qu’Aristote, bien qu’il ait été le disciple de Platon, ne partageait pas avec ce dernier sa théorie des Idées. Ensuite, alors que Platon est parti enseigner dans les universités européennes de l’époque, son disciple Aristote, précepteur d’Alexandre le Grand, s'établit dans la partie orientale entre l’Anatolie et la Grèce. Ce choix de résidence a été déterminant dans son influence sur les penseurs byzantins puis sa pénétration du monde musulman par son influence des grands philosophes Arabes, tel AL-Kindi, Al Farabi, Avicene, Averroès…. (Pour plus d’information voir Wikipédia).

 

D’autre part, sur cette fresque de Raphaël on voit bien Platon pointant le doigt vers le ciel symbole de sa croyance dans les idées (Intelligibilité) et à sa gauche Aristote tournant sa paume de la main vers la terre symbole de sa croyance dans l’observation empirique (Sensibilité). (Source Wikipédia).

 

Ces remarques m’ont diversement amenées à penser que notre frottement avec les idées aristotéliciennes nous a conduits à être beaucoup plus proches de la terre que du ciel. (aucun amalgame religieux).

 

C’est ainsi qu’il m’arrive souvent, dans mes promenades à la Casbah de Tanger, de jeter de long regards au minaret des mosquées, ses façades lustrées par une ornementation poly ou mono chromée, une ascension du même geste, d’une même harmonie qui, à force de la regarder, finit par refermer le spectateur dans une sorte d’espace-temps clôt, à l’isoler consensuellement du monde, le pousser à se saisir de l’instant.

 

Il est par conséquent clair que l’artisanat, nos expressions traditionnelles qui prennent forme que ce soit dans les mailles des tapis de Taznakht ou de Zemmour, dans le travail du bois noble, le stuc ciselé des maisons traditionnelles ou de la céramique, dans les fibules et les bijoux de nos mères  sont en réalité une singularité de l’Art marocain, une cristallisation de l’art en signe et pas seulement des éléments décoratifs pour emplir l’espace. 

 

Cette prise de conscience devenue projet fût le cheval de bataille de Mohamed Chebâa, une nécessité vitale d’agir au-dedans du contexte social pour cicatriser notre rupture et renouer avec l’art traditionnel. Non! Une œuvre plastique n’est pas forcément une peinture ou une image qu’on insère dans un cadre et l’apprécier ensuite. Cela avait un nom bien évident selon Chebâa c’est le conditionnement esthétique, une déviation de notre sensibilité, [...] Le conditionnement a fait que le public s’est habitué à une certaine manière de lecture du tableau. Le public ne voit plus, il déchiffre les objets et les événements [...] puis un peu plus loin dans son entretien avec Souffles [...] La découverte du tableau a été assimilée par notre public à la seule forme picturale moderne [...]

 

Mohamed Chebâa reste pour moi l’homme par qui le positionnement de notre art par rapport à celui de l’occident est arrivé. A l’école des Beaux Arts de Casablanca, il accompagnait souvent ses élèves, selon son entretien avec Kenza Sefrioui, pour leurs faire visiter les Medersas et les amener à découvrir cet art, cette expression plastique nationale loin de toute représentation figurative ou commentaire s’y rapportant tout en précisant que c’est l’abstraction qui a toujours  témoigné de l’esprit et de la sensibilité arabo-musulmane.

 

Je conçois parfaitement qu’il est difficile d’arracher les gens à leur confort intellectuel et visuel seulement le consentement à la facilité rend difficile tout approfondissement de la réalité comme aurait dit Belkahia puis, lequel de nous accepterait d’oublier son identité artistique? Qu’est-elle? D’où vient-elle? 

 

Le but recherché n’est pas celui de mettre en exergue les différences mais d’arriver à distinguer les cultures à les démêler les unes des autres sans jamais les séparer. En cela créer des œuvres-positions ou situées a toujours été la seule réponse de Chebaâ.

 

Pourtant une nouvelle vague arrive, déferlante par ses artistes, puissante par leurs conceptions rebelles de l’art contemporain marocain, des créations signées Safaa Erruas, Yeto Barrada, Ymane Fakhir, Mounir Fatmi, Amina Benbouchta, Mohamed El Baz, Je vois une promesse dans leur sillage. 







































 

 

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Texte Libre



Ces écrits sont nés d'un besoin pressant d'aller vers l'autre, de fondre dans un creuset qu'est ce support des éléments épars exprimant une certaine singularité.

Mais l'homme a vite fait de montrer sa joie une fois il est dans la lumière alors que les vrais auteurs, sans qu'il ne s'en aperçoive, sont dans l'ombre.

Ces écrits ne sont donc que l'expression harmonieuse d'innombrables acteurs proches ou lointains qui ont peuplé mon esprit et qui maintenant revendiquent la liberté à leurs créations.

Je passe mes journées à mutiler mes cigares à décapiter leurs têtes à allumer leurs pieds à déguster leurs tripes, mais l'écriture n'est-elle pas une vertueuse souffrance qui s'ingénue avec bonheur à vous faire oublier votre égo à décliner le constat social et à créer en vous le désir de dissimilitude?

Notre société a circoncis les hommes dans leurs corps, le fera-t-elle pour le prépuce de leurs coeurs et de leurs ambitions?

La vitole bleue dédie ses thèmes à la ville de Tanger, ma terre ma nourricière, au cigare ce plaisir perle des dieux fait par les mains des hommes, et enfin à mes écrits vérités sur mes parures qui donneront je l'espère suffisamment de plaisir aux lecteurs.
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Comment se fait-il qu’un homme quinquagénaire simple et ordinaire, père de deux enfants et œuvrant dans le secteur bancaire tombe, sans suffisance aucune, dans le chaudron d’Epicure ?

A vrai dire j’essaie de ressembler à ma mémoire, c’est une conteuse passionnée, qui m’a tatoué le cœur par le premier clapé de sa langue sur le palais pour me raconter le plaisir du cigare, et la première lueur blanche de Tanger sans laquelle tous mes devoirs envers mes plaisirs ne seraient qu'un amour futile.  

 

 
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