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Ils arrivèrent dans l’après-midi aux abords de la ville. De part leurs divers séjours dans le sud, Adam et son épouse Aïcha savaient que les gens du cru à cette époque du siècle avaient encore la foi en leurs terres, et la terre en retour les aimait et leur dispensait suffisamment de plantes et de pierres médicinales pour calmer leur maux et leurs douleurs. Demander en ces temps-là après une pharmacie au lieu d’un herboriste ou un apothicaire c’est comme si vous profaniez un lieu sacré.
Depuis la nuit des temps les peuples communiquaient avec cette Force Vitale, se sustentaient avec secret de son Principe Universel, le transmettait d’une génération à l’autre par une presque chorégraphie de gestes ancestraux saluant par leurs biais la naissance primordiale du monde.
Mais la science a vite fait de fanfaronner ses découvertes, prétendant ouvertement d’avoir démystifier le secret du cosmos, reléguant au fin fond de la mémoire des hommes les liens inviolables qui les unissaient à leurs terres. C’est ainsi que nos enfants ont emprunté le chemin des molécules chimiques et l’adoration des nouveaux dieux, Bayer, Pfizer, J&J…...
A l’arrière les jérémiades de Mikael avaient cessé, sa maman le divertissait et lui appliquait les remèdes de grand-mère qui ont fini par lui rendre le sourire et les couleurs. Dès que Adam s’arrêta sur les bas-côtés de la route pour s’enquérir de la situation, Ismaël n'attendit pas la permission de son père pour sortir, ouvrit la portière avant et se mit à courir dans les plantations avoisinantes. La famille était contente et soulagée de voir son enfant se remettre rapidement de ce malaise.
Adam enjamba une rigole et rattrapa Ismaïl, ils passèrent au travers des frondaisons de quelques oliviers puis débouchèrent tous les deux avec surprise sur des vergers d'arganiers, de palmiers et d'amandiers. Les champs tapissés d’herbes, d’arbustes divers et de hennés aux couleurs vert bouteille étaient ceint, de part et d’autres d’un sentier taillé dans une argile dure semi dépierrée, d’un muret de terre rouge imprécis mais ferme construit à même la paume de la main mélangé à du feuillage morts. A cette heure de l’après-midi, les habitants congédiés par la forte chaleur s’assoupissaient dans leurs demeures attendant la prière de l’instant pour sortir et aller prier dans leurs mosquées. Seuls les criquets et les insouciantes cigales peuplaient le silence faisant la répartie aux roucoulements des ruisseaux et aux craquements des pierres sous la brûlure du soleil. Adam s’est sentie apaisé par ce paysage, une forme de plénitude gagna son cœur et le fit approcher d’Ismaël, un mouvement spontané qui les rendissent égaux dans leurs humanités malgré leurs différences d’âges. La nature et les êtres sont tous les deux sur la même roue de la réincarnation, ils viennent au monde ensembles le quittent de la même manière puis reviennent avec des visages différents. La mort c’est l’Homme qui l’a inventé il n’y a que la Vie.
Ici au crépuscule, quand le paysan rentre chez lui, conduit son troupeau à l’étable, attache son mulet dans la stalle, même dans le silence de la nuit il reste toujours de la chaleur, l’ardeur du vivant ne s’arrête pas, elle fait hennir, piailler, aboyer et le paysan dort. Dans son sommeil, il pense à la terre. Il est absous d’erreurs, repose dans une quiète certitude malgré les vicissitudes des jours. Lorsqu’il pousse la charrue et que le soc commence à retourner la terre, à creuser son sillon, il sait que c’est la Mère nature qui a choisi pour lui le lieu et le moment parfait pour remplir son rôle de paysan. Il le sait, il doit le savoir.
Ailleurs une fois le moteur de la voiture éteint, c’est du métal mort qu’on laisse derrière nous, on n’entend oualou lorsqu’on rentre chez soi, l’être ne partage rien avec la machine, l’acier et le fer mais il continue à sentir l’huile et le gasoil et la nuit dans son sommeil il pense au prix du pétrole. L’humain c’est de l’ADN mais pas seulement, c’est une émotion mais pas seulement, il est plus que cela, il le sait, mais ce qu’il est, est plus vaste que ce qu’il pourrait savoir. Mais cela, il ne le sait pas encore car le merveilleux a quitté son cœur.
A suivre